I. INTRODUCTION
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Architecture = art de construire Construire = occuper l'espace, le découper, le limiter => L'architecture donne une forme à l'espace. Les formes dépendent du choix des matériaux et de la façon de les assembler. Ici intervient l'esthétique, préférer une forme plutôt qu'une autre, ce qui constitue le style, donc une manière de s'exprimer par les formes. Tout art est relié à celui qui le précède, même si c'est une relation d'opposition. Notre civilisation occidentale a été fortement influencée par l'art antique (art grec, art romain). |
II. L’ART DE BÂTIR
L’architecture consiste essentiellement à élever des édifices dans un cadre culturel et technique donné. Pourquoi construire ?A. Le programme
La construction d’un édifice relève d’un besoin individuel ou collectif, de nature utilitaire (se protéger des éléments) ou symbolique (honorer un dieu, affirmer une puissance). On nomme " programme " l’énonciation des fonctions et des contraintes auxquelles l’architecture doit satisfaire pour remplir sa fonction. Il détermine le volume, la surface, l’organisation du bâtiment. On peut distinguer cinq grandes catégories d’architectures en fonction de leur usage :
l’architecture religieuse : un temple, une église, une mosquée, etc. répondent à des programmes différents, selon les rites pratiqués et l’importance des édifices.
l’habitation : la localisation, l’époque, les conditions économiques et culturelles supposent des contrastes considérables, de l’habitat troglodytique au château de Versailles.
l’architecture civile : il s’agit des édifices à usage public, à l’exception des bâtiments religieux, depuis le palais de Justice jusqu’au stade olympique en passant par l’école et l’opéra.
l’architecture industrielle : elle compte les usines, les entrepôts, etc. Certains bâtiments bénéficient depuis peu de la reconnaissance et de la protection des institutions. Outre leur valeur d’usage, les formes et leur valeur de témoignage social et historique sont ainsi reconnues.
l’urbanisme : l’aménagement urbain peut concerner le détail (une place, une rue) ou l’ensemble d’une ville (des villes ont été entièrement planifiées, comme Aigues-Mortes sous saint Louis ou Brasilia au XXe siècle).
B. Les contraintes
Outre le programme et les problèmes de statique, l’architecture rencontre différentes contraintes naturelles ou culturelles déterminant les choix de construction.
B.1. Le climat
Le climat détermine le choix des matériaux mais également celui des formes des édifices. Ainsi, la pente d’un toit est souvent déterminée par la quantité de pluie qu’il reçoit, le nombre et la dimension des fenêtres par les vents dominants et l’ensoleillement.
B.2. La disponibilité des matériaux
Les conditions naturelles et l’état des connaissances techniques des constructeurs déterminent l’emploi de certains matériaux.
B.3. Les conditions économiques, sociales et culturelles
Plus encore que les conditions climatiques, l’époque et les moyens de construction conditionnent sa forme. Ainsi, un peu partout, le béton armé est préféré aux matériaux traditionnels, parce qu’il est économique et rapide à mettre en œuvre. De même, les immeubles collectifs se sont imposés sous toutes les latitudes. Les contraintes de coût et d’échelle prennent aujourd’hui le pas sur des contraintes hier déterminantes, comme le climat.
C. Les moyens de l’architecture
Face à ces contraintes, l’architecture se donne des moyens : elle assujettit des matériaux bruts, en élabore de nouveaux et maîtrise des savoirs et des techniques.
C.1. Les matériaux
Les matériaux de l’architecture se caractérisent par un ensemble de propriétés physiques de résistance, d’isolation, d’aspect, etc. qui détermine leur emploi. Les principaux matériaux sont la pierre, le bois, la brique, auxquels se sont ajoutés le métal, le verre et le béton. De nombreuses régions du monde permettent l’extraction de pierre, dont la dureté et la résistance au gel est variable. Le bois, plus facile à obtenir et à mettre en œuvre, fut longtemps un matériau privilégié. Dans les pays occidentaux, son usage est aujourd’hui limité à la charpente et aux huisseries. La terre séchée (pisé) ou cuite (brique) supplée la rareté ou l’absence de ces matériaux dans de nombreuses régions. Le métal est utilisé depuis l’Antiquité comme élément de liaison dans la maçonnerie mais son usage en tant que véritable matériau de construction ne s’est développé qu’au XIXe siècle. Il en est de même pour le verre. Le béton armé, inventé au milieu du XIXe siècle, est très largement diffusé depuis la Seconde Guerre mondiale.
C.2. Les techniques
Toute construction suppose d’affronter des problèmes de statique, mais aussi d’employer les matériaux de manière à ce qu’ils supportent les pressions, tensions et tractions qui s’exercent dans tout édifice. Si aujourd’hui les architectes disposent d’importantes connaissances, grâce aux sciences de l’ingénieur, et même de moyens informatiques de simulation, il n’en fut pas toujours ainsi. L’empirisme fut la règle jusqu’au XVIIIe siècle et les plus grands architectes tenaient leur savoir de l’expérience et de l’intuition. L’effondrement des voûtes du chœur de la cathédrale de Beauvais en 1284 montre que l’audace de l’architecte a parfois devancé son savoir. L’appareil (manière dont sont taillées et disposées les pierres d’un mur) est une technique essentielle de la construction. Un mur est le plus souvent constitué d’un blocage (mortier et cailloux) tassé entre deux parois de pierres taillées (parement). Pour la couverture, les deux solutions de base sont le système pilier-linteau (les poutres sont posées sur des poteaux, des colonnes ou des murs) et le système arc-voûte (l’élément de franchissement est alors courbe et impose des efforts non pas de tension, mais de poussée vers l’extérieur qui doivent être compensés par des contreforts). La coupole ou le dôme est un type particulier de voûte sur un plan circulaire. Le premier système suppose des matériaux travaillant en compression pour le pilier (maçonnerie) et en tension pour le linteau (bois, acier, béton armé). La voûte est constituée d’un assemblage de petits matériaux (pierre, brique) ou de béton armé.
C.3. Maîtrise des techniques
Il existe une forte interaction entre l’évolution des matériaux et les solutions constructives adoptées. Cette complexité croissante exigea un savoir de plus en plus spécifique. C’est ainsi qu’au XIXe siècle, aux côtés de l’architecte et parfois le supplantant, apparut l’ingénieur. La maîtrise de l’architecture métallique a ainsi donné sa place parmi les inventeurs de formes architecturales à l’ingénieur Gustave Eiffel.
D. L’esthétique est-elle une contrainte de l’architecture ?
L’architecte n’est pas seulement un technicien : en répondant à un programme donné, il est libre de concevoir la forme qui lui convient pour son édifice. Cette liberté est toutefois soumise aux cadres idéologiques de l’époque et du lieu concerné. Ainsi, un architecte évolue dans une tradition, dans un style, une manière de construire qui codifient chacun des éléments. L’évolution de ces manières a, dans l’histoire de l’architecture, un rythme lent : séculaire le plus souvent. À l’art roman succède le gothique ... le rythme s’accélère et les styles éclatent au XIXe siècle, pour laisser place à des courants, dont l’un des plus puissants vise ... à dénoncer ces styles ! Ainsi, les architectes fonctionnalistes estiment que l’aspect du bâtiment découle de son usage plutôt que de conceptions esthétiques. Ils rejettent en cela les schémas classiques qui imposent à l’édifice de répondre à des critères formels. Dans la liberté de l’architecte de concevoir son bâtiment, le maniement des formes, même très dépendantes du style d’une époque, suppose des choix d’ordre plastique et pose l’architecte entre le technicien et l’artiste.
E. Le métier d’architecte
L’architecture est une activité qui fut et qui est pratiquée de manières diverses par des hommes dont la formation et le statut ont considérablement évolué.
E.1. L’architecture sans architectes
Le métier d’architecte n’a pas toujours existé et se limite aujourd’hui à certain édifices. En fait, la plupart des bâtiments sont construits sans qu’un architecte, reconnu en tant que tel, n’intervienne. C’est le cas de l’ensemble des constructions domestiques vernaculaires. Cette architecture, dont l’entrepreneur est souvent l’usager ou un artisan spécialisé, repose sur des savoirs traditionnels.
E.2. L’invention des architectes
Dans les grands empires des IIe et IIIe millénaires avant notre ère, les théologiens et les prêtres énoncent les règles de construction. Les chefs de chantiers, dont le rang hiérarchique est élevé mais qui appartiennent aux mêmes catégories sociales que les tailleurs de pierre ou les maçons, sont à la fois architectes et entrepreneurs. Quant à l’arkhitektôn grec, il désigne le plus souvent le maître charpentier. Cependant, aux yeux des philosophes, son mérite surpasse celui du peintre ou du sculpteur, simple imitateur de la réalité. De nombreux manuscrits médiévaux désignent Dieu comme l’" Architecte de l’Univers ", ce qui traduit le respect de la valeur de cette tâche. Nous savons cependant que les hommes qui exercent cette fonction ne sont pas désignés en tant que tels, mais le plus souvent comme " maîtres-maçons ". Le terme d’" architecteur ", puis d’architecte, calqué sur l’italien architettore, n’apparaît en France qu’au début de la Renaissance, après l’expédition de Charles VIII en Italie (1495). Jusqu’au XVIIIe siècle, la profession se confond encore avec celle d’entrepreneur. La création, à Paris, en 1671, de l’Académie royale d’architecture, organisme de conseil du roi et d’élaboration d’une doctrine, contribue à la fois à valoriser la profession et à lui donner un fondement théorique. En France, au XIXe siècle, l’architecture est enseignée uniquement à l’École nationale supérieure des beaux-arts (qui décerne un prix de Rome annuel d’architecture) et à l’École spéciale d’architecture. Les diplômés portent alors la mention DPLG : " diplômé par le gouvernement ". En 1968, l’enseignement est décentralisé et diversifié avec la création d’" unités pédagogiques ".
E.3. Les savoirs de l’architecte
Du fait des échelles actuelles très variées de pratique de l’architecture (de l’aménagement d’espaces intérieurs à l’urbanisme), les compétences requises sont très larges et une grande capacité de synthèse est indispensable. Les enseignements reçus sont d’abord d’ordre technique afin d’analyser les forces qui s’exercent sur le bâti, de connaître les matériaux et leurs qualités et de maîtriser les techniques de mise en œuvre, évolutives. Des connaissances esthétiques et une pratique plastique sont requises. Afin de répondre aux problèmes d’urbanisme posés par nos sociétés contemporaines, l’aspirant au métier d’architecte reçoit les rudiments des sciences humaines qui touchent à sa pratique : sociologie, psychologie, ergonomie, etc.
E.4. L’exercice d’une profession
La profession d’architecte peut être aujourd’hui exercée libéralement, en qualité de fonctionnaire ou comme salarié dans une agence. Un Ordre des architectes demeure. Ce métier est essentiellement un travail d’équipe, en relation avec différents professionnels : urbanistes, sociologues, paysagistes. Pour la seule conception d’un bâtiment, un seul homme parvient difficilement à réunir tous les savoirs et la capacité de travail requis. Tout chantier important est l’œuvre d’une équipe. Les agences d’architecture comptaient parfois plus de cent personnes dans les années 1960 : plusieurs chantiers étaient menés de front et les tâches étaient très fractionnées. Les agences d’architecture peuvent compter encore actuellement une cinquantaine de collaborateurs. Le temps de l’architecte " démiurge " et omniscient est loin, bien que certains d’entre eux, grâce au relais des médias, jouissent d’un prestige important.
III. APPRÉHENDER L’ARCHITECTURE
L’objet architectural est un objet spécifique et complexe. Son statut oscille entre l’objet d’art, archéologique ou monument historique, et objet d’usage courant. Le regard que nous lui portons est rarement attentif à l’ensemble de ses composantes (fonctionnelles, symboliques, esthétiques, plastiques, historiques, etc.). Intégré dans un jeu complexe de contraintes techniques et culturelles, il ne se livre pas directement à l’œil : il faut apprendre à l’appréhender.A. Modes d’approche
Le propre d’une architecture est son caractère tridimensionnel : elle ne se livre donc que progressivement au regard. Les vues sont partielles et successives, c’est l’intelligence et la mémoire qui nous donnent une vue globale d’un édifice. Si l’observation statique permet d’appréhender une peinture, l’architecture suppose le déplacement comme mode de découverte. Outre l’expérience physique directe de la visite et le déplacement dans un bâtiment, les moyens d’approche et de connaissance d’un édifice sont variés. Les architectes ont mis au point des modes de représentation codifiée qui leur sont propres : le plan, l’élévation, la vue axonométrique notamment.
B. Niveaux de lecture
Une architecture offre différents niveaux d’intelligibilité.
B.1. Les volumes
Un bâtiment est une combinaison de volumes variés. Ils peuvent être horizontaux pour un temple grec ou verticaux dans une cathédrale. Cette combinaison est fonction de proportions, implicites ou explicites : rapport entre les hauteurs respectives du toit et de la maçonnerie, par exemple, ou encore rôle de la colonne comme unité de proportion de l’édifice, dans la façade classique notamment. Les rapports entre les volumes extérieurs et intérieurs importent également.
B.2. Les façades
Elles peuvent être vides ou pleines. Les ouvertures rythment les façades. Les façades françaises du XVIIIe siècle, par exemple, sont percées de larges baies, alors qu’en Italie, les façades demeurent plus massives. Le cas des pyramides, totalement aveugles, est rarissime en architecture. L’aspect du mur est variable. Il peut être rugueux ou lisse, s’imposer ou se faire oublier, comme dans les " dentelles de pierre " gothiques ou les parois vitrées contemporaines. Une façade s’organise au moyen de lignes de force, représentées par des colonnes, des corniches, l’alignement des fenêtres, etc. On note enfin la présence ou l’absence d’ornementations (peintures, reliefs, jeux de matériaux colorés, etc.).
B.3. Les rapports extérieur / intérieur
Les relations entre l’intérieur et l’extérieur d’un bâtiment sont modulées par les ouvertures et la nature des matériaux. La pénétration de la lumière qui en est le résultat est un élément essentiel de l’usage et de l’esthétique de l’architecture. Elle ajoute à sa symbolique dans de nombreux édifices religieux par exemple.L’architecture moderne est parvenue à son entière maîtrise : elle domestique et optimise l’entrée de la lumière naturelle dans le bâtiment, et la complète par la lumière électrique. De nombreux architectes du XXe siècle, favorisant transparence et fluidité des espaces, cherchent à faire disparaître la notion " d’intérieur " et " d’extérieur " d’un bâtiment.
B.4. La dynamique ou la statique
Le regard pour lequel l’architecture a été conçue peut être statique ou dynamique. L’impression produite est liée à la fonction essentielle que l’architecte a attaché à son bâtiment : l’usage ou le symbole. L’architecte contemporain gère les déplacements des usagers et construit des promenades architecturales. Le musée Guggenheim de New York, par Frank Lloyd Wright, que l’on parcourt dans un mouvement de spirale descendante, en est un exemple. Au contraire, l’époque classique, en valorisant les fonctions symboliques, privilégiait des points de vue fixes et des perspectives. La basilique Saint-Pierre de Rome et la place qui la précède est un modèle du genre.
B.5. L’intégration à l’environnement
L’intégration de l’édifice au milieu naturel ou urbain est parfois prise en charge par l’architecte. Il arrive que ce dernier trace et aménage la place ou la rue qui borde sa ou ses réalisations. L’architecte construit souvent son bâtiment en relation directe avec son environnement immédiat. La dimension et la forme de la parcelle urbaine et des bâtiments voisins conditionnent son travail. Ou bien, comme Frank Lloyd Wright pour la maison Fallingwater, il conçoit l’édifice pour un site naturel précis. B.6. Le témoin d’un temps L’édifice est le témoin d’un temps. Ce temps peut être lointain et l’édifice dégradé, ou même à l’état virtuel (lorsqu’il n’en subsiste que des traces, des représentations). Le bâtiment porte en lui les traces des temps qui l’ont vu naître et se transformer. Il exprime le style, mais aussi les modes de vie et les valeurs d’une époque. La détermination du style est un moyen courant de classement et de datation de l’architecture, depuis les ordres de l’Antiquité, qui, du dorique au corinthien, caractérisent les édifices et distinguent les influences, jusqu’aux " ismes " (modernisme et post-modernisme, fonctionnalisme, brutalisme, etc.) de l’architecture contemporaine. Un bâtiment reste muet si on ne peut restituer son contexte culturel d’origine.